L'affaire - Daniel Lebard - Ghislaine Ottenheimer
J'ai fait une erreur avec ce livre : je l'ai lu le soir, avant d'éteindre la lumière et dormir - je lis principalement le soir, tous les soirs en fait, mais lire chasse le sommeil et j'en oublie de dormir, il me faut regarder l'heure et me raisonner, éteints et dors. Je l'ai donc lu le soir, ce bouquin, et sa lecture énerve (si tout est vrai, et même si seulement un centième de ce qui est écrit est vrai) : de quelle façon de grands patrons ont triché, comment ils ont arnaqué les marchés, les actionnaires, les autorités de régulation, comment ils les ont manipulé, la puissance des réseaux, la cooptation consanguine et les renvois d'ascenseur, la cooptation et la corruption concommitante... Un scandale faramineux, quasiment passé sous silence. Et l'impunité est presque totale - presque, car la justice a finalement coincé deux d'entre eux, condamnés à des sommes énormes pour de petites gens comme nous : sept cent cinquante mille euros pour l'un d'eux - c'est ce que nous avons gagné, ma douce et moi, en vingt deux ans de travail - qu'il pourra certainement payer sans problème, sans écorner sa fortune.
Comment en arrive-t-on à des sommes d'argent aussi colossales ? Comment des grands patrons en arrivent-ils à une telle avidité, pour l'argent, et surtout pour le pouvoir - le pouvoir, la drogue ultime semble-t-il, à voir l'énergie que certains dépensent pour l'obtenir. Quelle est cette folie qui conduit des êtres sensés, raisonnables, instruits (quoiqu'on puisse douter de l'instruction dispensée par l'ENA par exemple, quand on sait le nombre de conneries que des énarques nous ont pondues, devenus ministres ou secrétaires d'état), voire intelligents pour certains, qu'est-ce qui les conduits à devenir des délinquants, des escrocs, des voleurs, pour grossir encore des fortunes que des vies entières ne pourraient dépenser ? Pourquoi ce "toujours plus" égoiste, ce "tout pour moi" - ou alors tout pour nous, nous les gens du même monde, nous les riches patrons, riches dirigeants, riches investisseurs - et "rien pour les autres" - là c'est nous les autres, nous les petites gens, les gagne-petit ? Quand on pense qu'en ces temps de crise, nombre d'entre nos grands patrons ose nous exhorter à la solidarité, "nous sommes dans le même bâteau, il nous faut ramer dans le même sens pour sauver ce qui encore peut l'être", mais comment serait-ce possible, nous ne vivons pas dans le même univers...
Ce livre est soit une immonde calomnie, écrit par un affabulateur revanchard mauvais perdant, soit une terrible révélation presque incroyable qui pourrait être déclarée d'utilité publique. Et je dois dire que j'incline à croire que tout est vrai. Malheureusement.