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14 janvier 2010

Deux jours à tuer

Comédie ? Il semble.
Un gars – belle situation, plein de tunes, marié, amoureux (?), deux enfants – pette les plombs, fond les fusibles, casse un câble, et envoie chier – oui, oui, envoie chier, c’est comme ça que ça s’appelle, pas de périphrase pour éviter les gros mots, appelons un chat un chat – et envoie chier boulot, famille et ami(e)s. Qui n’a pas rêvé de dire son fait à son patron, à son petit chef casse-couilles, à son collègue pot-de-colle qui pue de la gueule, à son associé lèche-cul, à ces amis pas vraiment amis qui font partie du cercle de nos connaissances qu’on ne peut guère éviter sans froisser les règles des convenances, à la belle-mère peau-de-vache qui ne supporte pas que tu lui ais pris sa fille – ou son fils, ça doit être pire – au gamin du voisin qui fait du roller dans l’appart du dessus le dimanche après midi ? Que celui ou celle que n’a jamais traverser l’envie d’ouvrir les vannes d’années de ressentiments et/ou d’humiliations lève le doigt : il/elle sera exposé/ée à la vindicte populaire pour flagrant délit de mensonge caractérisé. Cette envie de dire ses quatre vérités à cette saloperie de chefaillon, voisin, belle-mère, gamin, pique-assiette, laisser ces années de retenue polie se déverser en déferlantes fracassantes ; cette envie-là, le gars y succombe, et pas qu’un peu. Boulot : en pleine réunion, il déverse son mépris sur un client, et sur son associé estomaqué. Amis : lors d’un repas chez lui, il relève tous les travers inévitables de chacun, odieux jusqu’au dégout, bagarre et chaises renversées. Avec sa femme, il s’acharne à se faire désaimer, voire détester. C’est jubilatoire, car on en rêve tous. C’est pathétique, car il jette à terre toute sa vie. C’est triste, très triste, d’une tristesse désespérée. Et on se rend bien compte qu’en fait, il agit contre sa nature, sa vraie nature de gars sympa heureux d’être où il est.
Comédie ? Dramatique alors. Je ne vais pas dévoiler la raison profonde de son attitude, mais ce gars est d’un immense courage, à la hauteur de sa détresse, c’est pour protéger les siens qu’il fait tant d’efforts à se faire haïr par eux, pour qu’ils ne le regrettent pas. Ses propres regrets sont un puissant moteur de ses motivations, liés à son père, à cette déchirure des jeunes années. Incompréhension. Mur de souffrance. Son père, exilé, dans un pays sauvage et chaleureux, royaume de la pêche et des pêcheurs, éden de ses vieux jours. Son père, vieux bourru taciturne, que la présence de son fils, tant d’années plus tard, fait replonger dans ses vieux réflexes de défense contre l’expression des sentiments. Le vide de la séparation déchire l’écran, l’abime entre ces deux hommes semble définitif. Le fils retourne vers le père pour renouer, se retrouver. Réconciliation. Pour les deux. C’est parce que l’un d’eux est sur le départ que l’urgence de se retrouver est fondamentale, que la puissance des amours filiaux jaillit aussi fort après tant d’années de retenue, acerbe pour l’un, rancunière pour l’autre. Gommer le temps perdu, rattraper l’histoire, vivre en un jour ou une seconde intense les années gâchées. Y arriver presque. On n’y arrive jamais. L’absence est ensuite encore plus cruelle et douloureuse sur l’étendue des possibles à peine entr’aperçus. Mais ça a eu lieu. Le lien est renoué. Juste à temps.
C’est un film d’amour, un film sur l’amour, fils et père, épouse, enfants, le cercle de famille. Après ce film très fort, le générique est une conclusion lumineuse. La voie de Serge Reggiani, rocailleuse, chargée d’histoire et d’expérience – lui-même déjà malade quand il l’enregistre en 2002 – nous dit un texte magnifique de Jean Loup Dabadie, il faut voir ce film pour cela.
Ne pas oublier les acteurs. Albert Dupontel, Marie-Josée Croze, Pierre Vaneck. Ils sont très bons, excellents. Dupontel surtout impressionne, fougueux et sobre, énigmatique, intérieur, tourmenté, la vie, pourquoi, déjà… MJ Croze, son épouse, est l’incompréhension, et le rempart pour ses enfants. Vanek, on sait déjà que c’est un grand acteur, c’est vrai encore une fois.

Combien de temps encore?

Combien de temps…
Combien de temps encore
Des années, des jours, des heures combien?
Quand j’y pense mon cœur bat si fort…
Mon pays c’est la vie.
Combien de temps…
Combien ?

Je l’aime tant, le temps qui reste…
Je veux rire, courir, parler, pleurer,
Et voir, et croire
Et boire, danser,
Crier, manger, nager, bondir, désobéir
J’ai pas fini, j’ai pas fini
Voler, chanter, partir, repartir
Souffrir, aimer
Je l’aime tant le temps qui reste

Je ne sais plus où je suis né, ni quand
Je sais (juste) qu’il n’y a pas longtemps…
Et que mon pays c’est la vie
Je sais aussi que mon père disait :
Le temps c’est comme ton pain…
Gardes en pour demain…

J’ai encore du pain,
J’ai encore du temps, mais combien ?
Je veux jouer encore…
Je veux rire des montagnes de rires,
Je veux pleurer des torrents de larmes,
Je veux boire des bateaux entiers de vin
De Bordeaux et d’Italie
Et danser, crier, voler, nager dans tous les océans
J’ai pas fini, j’ai pas fini
Je veux chanter
Je veux parler jusqu’à la fin de ma voix…
Je l’aime tant le temps qui reste…

Combien de temps…
Combien de temps encore ?
Des années, des jours, des heures, combien ?
Je veux des histoires, des voyages…
J’ai tant de gens à voir, tant d’images…
Des enfants, des femmes, des grands hommes,
Des petits hommes, des marrants, des tristes,
Des très intelligents et des cons,
C’est drôle, les cons, ça repose,
C’est comme le feuillage au milieu des roses…

Combien de temps…
Combien de temps encore ?
Des années, des jours, des heures, combien ?
Je m’en fous mon amour…
Quand l’orchestre s’arrêtera, je danserai encore…
Quand les avions ne voleront plus, je volerai tout seul…
Quand le temps s’arrêtera.
Je t’aimerai encore
Je ne sais pas où, je ne sais pas comment…
Mais je t’aimerai encore…
D’accord ?

Jean-Loup Dabadie
Musique d’Alain Goraguer
Chanté par Serge Régiani (2002)

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Commentaires
P
C'est une critique vraiment bien écrite et je ne sais pas s'il y a beaucoup de journaliste qui serait capable d'en faire autant<br /> bravo !
F
putain comme t'écris bien...c'est vrai que c'est un film extraordinaire, à la fois très émouvant et pudique, et Dupontel est définitivement un grand acteur...
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