La Chauve-souris – Johann Strauss

Ébouriffant ! Étourdissant ! Un feu d’artifice !

Quel plaisir, quel immense plaisir ! Voilà un spectacle total. Musique, pétillante : l’orchestre de l’opéra de Lyon est vraiment très bon, et après nous avoir enchantés avec Prokofiev il y a deux mois dans le ballet Roméo et Juliette, il a à nouveau fait preuve de sa grande maîtrise, avec Emmanuel Krivine à sa tête. Chant, une distribution magnifique, sans faiblesse, des rôles principaux très bien tenus, le chœur de l’opéra à l’unisson, tout ce petit monde jouant la comédie en s’amusant visiblement beaucoup, courant, sautant, virevoltant. Danse aussi, avec des ballets pleins d’invention. Et des costumes, et des décors… somptueux. Trois heures vingt de spectacle sans ennui à aucun moment, c’est fini et on n’a pas vu le temps passé, la magie opère d’un bout à l’autre.

Alors certes, l’opéra, ça reste un peu cher – encore que les places au sixième balcon coutent cinq euros, oui c’est tout en haut, mais va voir Johnny ou Céline dans le premier zénith venu et t’es à cent mètres de la scène pour un prix scandaleux (si mes renseignements sont exacts, Jojo ce sera de quarante cinq à cent vingt euros la place, et Céline c’était de presque quatre vingt à plus de deux cent lors de sa dernière tournée française !) bien supérieur au prix de la place la plus cher à l’opéra (quatre vingt huit euros, et même quatre vingt dix sept le soir de la saint Sylvestre pour cette même Chauve-souris), et si en plus t’es derrière un poteau tu vois rien, à l’opéra tu vois bien de partout – mais avec ce spectacle, c’est dépaysement garanti et bonne humeur assurée ! Je n’ai rien contre notre icône nationale – quoique ce ne soit pas la mienne – ni contre la brailleuse à la feuille d’érable, non, je n’ai presque rien, si ce n’est que j’ai l’impression qu’il et elle sont les seuls, avec la vingtaine d’autres inévitables et inévités, à constituer la vie artistique française, quel battage autour de ceux-là, nos médias ont courte vue. C’est sûr ce sont de grands et bons artistes, mais il reste que j’ai l’impression d’entendre un peu toujours la même chose de ceux-là (sans parler des daubes à durée limitées qui inondent les ondes FM), et que la place des quatre vingt dix neuf autres pour cent de la production française est ridiculement petite, et celle de la musique classique est réduite à rien, presque rien – France Musique, Radio Classique, Lodéon sur France Inter et pas grand-chose de plus, Pavaroti, Callas, Dessay, Alagna ou Bartoli ont les honneurs de la presse nationale à l’occasion, la chute du Mur a offert à Rostropovitch la une des journaux papier et télé pour quelques heures, les trois ténors étaient surtout un bon plan média, alors que des émissions radio et télé reçoivent la grande saucisse présidentielle pour sa dernière production et lui servent la soupe pendant des heures, léchages de cul frénétiques, courbettes vils et ronds de jambes veules, sourires obséquieux, cirages de pompe éhontés et pommadages serviles, la future loi sur l’audiovisuel a des effets secondaires révélateurs de la personnalité de nos présentateurs vedettes, passant de carpettes à paillassons, sur lesquelles nos (Notre) politique(Souverain) s’essuient les pieds ; pour commencer… Mais je m’égare. L’opéra, c’est pas cher. Et pas seulement l’opéra. En région lyonnaise, près de chez moi, de multiples salles proposent des spectacles de très bonne qualité pour peu d’euros, pour tous les gouts et toutes les envies. Fais vivre les artistes en allant les voir et écouter, cher lecteur, très chère lectrice, ça te fera du bien, et à eux aussi.

Comments

[freddy lorraine]

43 euros pour un spectacle total, 60 musiciens, autant de chanteurs, décors, costumes et mise en scène, franchement, ce n'est pas cher, vraiment pas cher...Allez à l'opéra, c'est magique.

[eve]

Ben c'est sûr que la chauve souris c'est mieux que couillu le caribou!!!!!
Quant aux médias, ils hissent la grand voile pour bien orienter le bateau dans le sens du vent... Alors quand sarkozette et sa guitare se pointent à l'horizon, c'est le tsunami sur les ondes, carla, carlita, carlatissima...